Le 16 octobre 1916 à Verdun, Ma
très chère soeur, Je ne pouvais pas t'écrire plus
tôt parce que je n'ai pas une minute de répit. Je n'ai pas eu de pause depuis
un certain temps, donc j'en profite pour t'écrire quelques lignes. Les bombardements ne cessent
depuis ces quinze derniers jours, c'est épouvantable. Il y a des hommes par
dizaines qui sont blessés, je ne les connais pas mais mon coeur
se remplit de tristesse en pensant qu'ils ont à peine ton âge. La nuit précédente, nous avons
recueilli deux jeunes hommes qui venaient comme moi du Pas-de-Calais ; l'un
d'eux écrivait à sa famille de Oye Plage, nous avons
un peu parlé des plages magnifiques avant cette guerre. Je pense souvent à vous, à papa
et à maman, à la vie qu'on menait avant tous les quatre; je donnerais cher
pour être pour être avec vous en ce moment même. Je cherche du réconfort
auprès de mes amies infirmières. Les
conditions de vie ne sont pas des meilleures mais ce n’est pas pire que ce
qu’endurent nos soldats. Je te laisse et je vous envoie une foule de baisers. A
très bientôt Apolline |
Le 22 octobre, nord de la France, Apolline, Tout d'abord,
je suis agréablement surprise d'avoir reçu ta lettre car nous sommes
désespérés. Chez nous, à la ferme c'est la
misère. Avant qu'il ne pleuve il n'y avait plus du tout de récolte, les
champs étaient secs comme de la pierre. Depuis une semaine nous sommes
inondés, il n'arrête pas de pleuvoir et le froid s’installe. Cela fait deux
jours que les vaches ne donnent plus de lait c'est dû au manque de
nourriture. Nous avons seulement de l’eau et du pain pour nous nourrir, les
animaux ont été réquisitionnés. Tout le village est en train
de chercher du bois pour pouvoir nous réchauffer car nous sommes gelés. Nous
nous organisons et essayons d’être solidaires. Prends bien soins de toi. Papa, maman et
moi t'envoyons une foule de baisers, en espérant bientôt te revoir. Anne |
Réponse d’Apolline |
|
Le
15 janvier environs de Verdun, Très
chère Anne, Ici, à l'hôpital il y a toujours
autant de blessés et de morts. Les Boches n'arrêtent pas de nous bombarder
que ce soit le jour comme la nuit. Je profite donc de ces quelques instants de
repos pour t'écrire ces quelques phrases. Je suis
vraiment désolée pour vos récoltes et
que les vaches ne donnent plus de lait, je souhaite très sincèrement que tout
rentre dans l'ordre. Ici, à Verdun, il pleut un jour
sur deux c'est horrible... Cela ne facilite pas notre travail, tu l’imagines. Je vais
reprendre le travail car il y a d'autres blessés qui ne cessent d'arriver !
Je me sens utile au moins... Dis bonjour à papa et à maman de
ma part, je vous embrasse très fort ... J'espère
vous revoir bientôt. Apolline |