Chère maman, Comment vas-tu? Je t'écris de Verdun.
La vie ici est dure mais je me suis fait des copains. l'un d'eux
s'appelle Jean et nous venons du même régiment. Il m’a sauvé
la vie en tuant un boche qui était
derrière moi. Monique me manque beaucoup. Je lui écrirai
bientôt mais souhaite-lui un bon anniversaire. Ici il pleut et les tranchées sont
remplies d’eau. On manque de tout.
Peux-tu m'envoyer du savon, des cigarettes, un rasoir et des bonbons si c’est
possible. Je
dois vous laisser car nous allons tous au feu dans deux heures. J'ai peur de
me faire tuer à chaque instant. Peut être est ce ma dernière lettre. Mais
jean me donne du soutien et je pense à
vous. Je vous aime et vous
embrasse, Ton pierre |
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Pithiviers, le 4
octobre 1916 Mon très cher Pierre, J'ai
bien reçu ta lettre qui me rassure à peine mais c'est déjà bien. Je profite
d'un petit moment libre pour t'écrire, à mon tour, qu'à la maison tout se
passe bien, enfin... Enfin, non tout ne se passe pas si bien que cela.
Ton père est mort quatre jours après sa dernière permission, pendant une
fusillade, il y a deux mois. Et moi, je me retrouve veuve à trente-six ans,
avec encore trois enfants à élever et... Et je suis enceinte de deux mois. Tes frères et soeurs grandissent. Voilà qu'Hippolyte a quatorze ans,
Olympe en a huit maintenant et Léandre en a deux. Désormais, tous vont à
l'école ; Hippolyte prépare son certificat d'études, Olympe est entrée en cours élémentaire et Léandre, mon tout petit
dernier, a fait son entrée à l’école. Ce sont tous de vrais petits génies.
Cela n'empêche que j'ai peur pour Hippolyte, car lorsqu'il aura obtenu son
certificat d'études, il pourra être recruté pour le front... Tu sais les soldats sont recrutés de plus en plus jeunes,
si bien que cela provoque plus de morts et de blessés que ce qu'il faudrait.
Ton frère est grand et fort, mais je crois que je l'ai trop protégé. Ici je n'ai pas une minute à moi, car entre le ménage, la
cuisine, le travail à l'usine, les devoirs de tes frères et soeurs, le temps est rare. Heureusement, ta femme Monique
est là pour m'aider et me soutenir, car ce n'est pas facile tous les jours.
Les enfants font beaucoup de bruit et se chamaillent souvent, ce qui nous
fatigue facilement. Monique te remercie
d'avoir pensé à son anniversaire. Elle a été très touchée que tu arrives à te
souvenir de ces détails malgré tes conditions de vie. Et toi, comment vas-tu ? Manges-tu convenablement ? Je
pense que l'hygiène ne doit pas être très présente et que le sommeil doit
être dur à trouver. Penses-tu avoir bientôt droit à une permission pour nous
rendre une petite visite et surtout pour te reposer ? Je l'espère fortement,
mon Pierre, parce que depuis la mort de ton père, je n'ai plus que toi et tes
frères, ainsi que ta soeur. Tu nous manques à tous
énormément. Prends bien soin de toi ! Fais attention aux balles! Je ne veux
pas te perdre à ton tour, tu es trop cher à mes yeux. Tu sais, à l'usine, on parle souvent de toi et
de tout les hommes partis au front, cela nous «distrait» car le travail est
dur. Nous travaillons six heures par jour, en y ajoutant les lessives, le
ménage, la cuisine et les enfants, cela nous fait des journées à un rythme
infernal. En tout cas, nous vous admirons car votre vie doit être pire que le
nôtre, et nous ne vous entendons jamais vous plaindre. Oh ! J'allais oublier,
tes frères, ta soeur et Monique se joignent à moi
pour t'embrasser. Ils t'envoient aussi quelques pensées
par l'intermédiaire de quelques dessins, Tu verras ce sont déjà de vrais
petits artistes! Et n'oublie pas, le plus important, c'est que tu me
reviennes entier, donc fais très attention à toi ! Ton retour nous tarde ! Je te l'aurais, je pense, assez
répété durant ma lettre, mais ne le prends pas comme un manque de confiance.
C'est juste l'amour que porte une mère à son fils aîné qu'elle aime de tout
son coeur, Avec
de grosses pensées et d'énormes baisers, ta mère qui t'aime plus
que tout.
Louise
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La réponse de Pierre |
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Ma chère maman J’ai bien reçu ta lettre. La
mort de papa m'attriste beaucoup, je n'ai plus le moral. Je suis tout même content pour
Hippolyte. Félicite-le pour sa réussite de ma part. J'espère qu'il ne sera
pas recruté pour le front, car la vie y
est horrible et j'ai peur qu'il
se fasse tuer. Je me porte bien, mais j'ai été blessé
à l'épaule gauche, pas assez grave pour être ramener à l’arrière ! Ici, à
Verdun, il pleut toujours. mes conditions de vie sont déplorables ; il y a du
sang partout dans la tranchée. Je ne dors pas et Il fait froid Je l'ai demandée
,et j'aurai certainement une permission. J'espère être de retour à la
maison au plus vite, pour enfin vous revoir tous. Dis un grand merci à
Monique, Hippolyte, Olympe et Léandre pour leurs dessins et leur lettre.
Ceux-ci m'ont donné du courage. Ne t'inquiète pas pour moi, je
fais attention à moi. Et mon ami Jean
veille aussi à ma survie. Je fais de même pour lui. Je
pense fortement à vous et vous embrasse, Ton
Pierre |