Verdun, le 24 juin 1915

                                               

 

Ma chère sœur

 

         Je profite de quelques instants pendant l'arrêt des coups de fusils et des bombardements pour te demander des nouvelles, de la famille et de toi. J'espère que tout va bien, et que mes parents sont en bonne santé.

         Pour moi, la vie est très dure. Les combats entre nous et les soldats Allemands sont très violents, et presque toutes les attaques sont meurtrières. Moi  je ne compte même plus le nombre de soldats tués parce qu'il y en a beaucoup.

 

         Les conditions de vie sont épouvantables, car nous dormons dans des abris de fortune et vivons dans la boue. Les tranchées sont si étroites que les bords de nos sacs, nos bidons, et les manches de nos habits s'y frottent et s'y cognent. On trouve de la boue partout, dans ses poches, dans son mouchoir, et même parfois dans ce que l'on mange. C'est un cauchemar !  En parlant de la nourriture, on n'en peut plus ! Nous n'avons plus de beurre, de café, ni de sucre. Tous les jours, nous mangeons souvent une soupe froide et des pommes de terre bouillies. Certains camarades ont même mangé un chat l’autre jour...

 

                   Heureusement, je peux compter sur la solidarité de certains de mes camarades, dans les moments difficiles, on se soutient mutuellement en attendant des jours meilleurs et peut- être la fin de cette horrible guerre!

                                Je t'embrasse très fort,

                                                                                                                    Ton frère Hippolyte

 

 

à Paris, le 13 juillet 1915

 

Mon cher frère,

 

Je profite de ce jour de repos pour répondre à ta lettre. Toute la famille se porte bien et moi aussi.  Les nouvelles de notre père sont rares. Maman est enceinte de trois mois environ et papa n’a pas donné signe de vie !!! Nous sommes très inquiètes...

 

 Nos sœurs vont très bien mais père et  toi leur manquez beaucoup. Nous n'attendons que vous, toi. Quand cette guerre finira-t-elle ? J'espère que tu fais très attention à toi. Moi, je travaille toujours dans une usine d'armement.

 

 Lire que tu dors dans des abris et être dans la boue me chagrine, je pleure souvent en pensant à toi. Tout cela me fait mal au cœur. Je fais mon possible pour t'écrire souvent, mais  la vie n'est pas facile. L'argent nous manque beaucoup et le travail ici est pénible.

 

Nos sœur Hélène et Jeanne  t’ont fait un dessin  pour ton anniversaire qui est dans ce colis. Dans un mois, c'est ton anniversaire j'aimerais que tu sois près de nous ce jour là.

 

Je comprends très bien qu'ils aient mangé un chat, vous ne devez pas beaucoup manger. C'est pour cela que je t'envoie ce colis, ce n'est pas grand chose comme je te  l’ai déjà dit mais j’espère que cela te réconfortera. Pour toi ce sera déjà ça. Je te remercie pour les photos, c'est très gentil. Tu es très beau et nous sommes fières de toi !

                   Je t'embrasse très fort,

ta sœur Marie.                                                                                                                                                                                                      

 

 

 

2ème  série de lettres

 

 

Le  17 août 1915

           

                                                Ma chère soeur,

 

         Je n’ai que peu de temps avant pour t’écrire. Nous devons bientôt lancer l’assaut. Je te remercie de m'avoir envoyé ce colis. Mes camarades et moi  avons partagé ce qu'il contenait. De mon coté, tout va bien. Je n'ai été touché qu'une seule fois à la jambe, mais rien de grave. Dans une semaine, c'est mon anniversaire, je vais essayer d'obtenir une permission auprès   du chef de notre régiment, mais elles sont très rares en ce moment, car il y a beaucoup de morts et de blessés, donc le nombre de soldats diminue. On nous promet une trêve mais quand ???

         Cela me redonnerait le moral de vous revoir, même pendant un ou deux jours.  Je me suis fait quelques amis, on est toujours ensemble au moment d'attaquer, de combattre..... pour rester solidaires. La guerre m’aura au moins apporté ça.

                                                               

Au revoir

                                                                                                                             ton frère  Hippolyte

 

 

Paris, le 4 décembre 1915

 

 

         Mon cher frère,

 

   Comment vas-tu ? Nous n’avons reçu ta lettre que dernièrement et le temps a passé depuis ce mois d’Août. Les liaisons sont parait-il très difficiles et nous étions très inquiètes ! J'espère que tu te portes bien.

La famille s’est agrandie !!! Nous, nous portons bien, mais on est très tristes de ne pas pouvoir partager ce moment de bonheur avec vous. Notre mère  a eu notre petite sœur Luna. Elle a quelques jours aujourd'hui.  Imagine la joie. Maman va bien mais elle est très fatiguée. Je t'envoie une photo de notre sœur. J'espère que tu auras ta permission pour que l'on puisse profiter de toi.

 

Tu dis que ta blessure n'est pas grave. Mais où en es –tu aujourd’hui ?  Fais très attention à toi.

 

Ta lettre nous a fait plaisir même si elle était courte. Toute la famille t'embrasse. Nous te disons à bientôt,  nous espérons te voir ou avoir plus souvent de tes nouvelles.

 

                            Je t'embrasse,

                                               ta sœur Marie.